Description de l'évènement
La Saga de l’ Espace
En 1977, un vaisseau spatial envahissait les écrans en donnant l’impression de venir de la salle. La saga Star Wars venait de débuter et bouleversait le monde. Le choc fut immense car le film proposait des images et des mondes inédits et, nouvelles technologies obligent, l’imagination débridée des créateurs ne connaissait plus de limites.
Pour autant, la « saga des étoiles » n’est pas le simple fruit d’un George Lucas visionnaire. L’enfance du réalisateur est bercée par la lecture du premier magazine spécialisé dans la science-fiction : Amazing Stories.
Au début des années 30, Alex Raymond créa un nouveau personnage de bande dessinée de science-fiction destiné à la presse quotidienne: Flash Gordon. Six ans plus tard, le cinéma s’en empara pour porter ses exploits à l’écran sous forme de serial.
George Lucas avoue avoir été beaucoup influencé par Flash Gordon mais aussi Buck Rogers lorsqu’il a écrit son scénario. Buck Rogers est le nom d’un autre héros de bande dessinée de science-fiction qui donna naissance également à un serial en 1939. Pour ne citer qu’un seul exemple de cette influence, la planète Bespin de L’empire contre-attaque ressemble étrangement à la cité des hommes oiseaux de Flash Gordon. Malgré un mélange d’influences orientales (bouddhisme, code samouraï, costume « kimono » du héros, casque de Dark Vador…) et quelques traces de mythologie gréco-romaine (Ulysse, le terme même d’Empire…) « la trilogie spatiale de Georges Lucas transpose ouvertement dans l’univers du « space-opéra » les personnages et les structures narratives du cycle de la Table Ronde, mythologie celtique : d’un côté la quête du Graal, de l’autre celle de la Force. Pour cette quête, on retrouve les personnages de la geste arthurienne, autour de Luke Skywalker (« qui marche dans les cieux »), à la fois Arthur et Perceval (« qui parcourt les vallées »). Fils de trois pères – Vador le guerrier, Obi-Wan Kenobi le « prêtre », et son oncle le « cultivateur » (selon les trois fonctions duméziliennes), – Luke a trouvé chez Merlin (d’abord Kenobi, puis Yoda) l’initiation nécessaire. Amoureux de Leia/Guenièvre, il sera trompé par Han Solo/Lancelot. Une astuce finale de scénario lui apprendra qu’elle est en réalité sa soeur. L’inceste a été rétrospectivement évité, contrairement à la geste arthurienne où le roi engendre Morched avec Morgane, sa demi-soeur. On pourrait longtemps continuer sur cette voie, ou sur d’autres… » (Claude Aziza – Le Monde 19/3/89)
Il suffit de rappeler la prégnance de ces récits et leur retour permanent sous le masque de « l’héroic fantasy ». Georges Duby n’écrivait-il pas en 1980: « Mais je voudrais vous parler à présent d’un Moyen âge (…) qui fonctionne comme une mythologie (…) qui simplement se situe « bien loin dans le temps » et assez obscur pour qu’on y projette librement ses fantasmes présents, en leur donnant consistance de l’épaisseur du passé ».
L’immense succès du film va permettre également la naissance d’une autre grande saga galactique qui à l’heure actuelle devance celle de George Lucas par le nombre d’épisodes: STAR TREK. Il est intéressant de noter que si la naissance de STAR TREK au cinéma est postérieure à STAR WARS, la série télévisée dont elle est issue est bien antérieure. Celle-ci a probablement (tout comme COSMOS 1999) influencé visuellement La guerre des étoiles. Le design aseptisé des intérieurs de vaisseaux ou les uniformes des armées de l’Empire en sont des exemples remarquables.
L’enthousiasme provoqué par Star Wars va permettre à d’autres productions prestigieuses et ambitieuses de voir le jour. Dune (projet longtemps jugé infilmable), Stargate, Avatar et même la série B Les chroniques de Riddick proposent des mondes souvent désertiques, des peuples luttant pour leur liberté et l’avènement d’un homme providentiel. Ce mysticisme, parfois un peu de pacotille, est au cœur des préoccupations du space-opéra et rappelle qu’une des balises phares du genre date de 1968 : 2001, L’odyssée de l’espace.
En effet, le cinéma de science-fiction existait avant La guerre des étoiles et Georges Lucas a été nourri de ces films comme Planète interdite, où le thème du robot lui inspirera sûrement les androïdes C3PO et R2D2. Et bien sur il ne faudrait pas oublier le grand film fondateur qui révolutionna le genre: 2001, L’odyssée de l’espace. De l’aube de l’humanité au ballet des vaisseaux spatiaux, tout est déjà là, même si la quête de soi emprunte des chemins différents. Si Kubrick utilise la métaphore de l’os se transformant en vaisseau spatial pour résumer l’histoire de l’Humanité, Lucas va créer Chewbacca « l’homme singe » compagnon de Han Solo et C3PO l’androïde, les deux extrêmes de l’évolution humaine.
Mais ce que propose surtout le film de Kubrick c’est une nouvelle dimension de l’espace dans l’inconscient collectif de l’Amérique. La marche vers l’Ouest étant achevée, le space-opéra offre de nouveaux espaces à conquérir. C’est ce que développent ces sagas planétaires citées plus haut.
Mais depuis la conquête de l’Ouest, la seconde guerre mondiale et surtout le conflit vietnamien sont passés par là. L’homme américain doute et s’interroge. La conquête spatiale se transforme en introspection. Le voyage dans l’espace n’est-il pas avant tout une quête de soi-même ? C’est ce que suggère le plan final de 2001, l’odyssée de l’espace et l’affiche de 2010, l’année du premier contact. Ce cinéma introspectif et contemplatif est aussi présent dans le cinéma russe et en particulier avec Solaris de Andreï Tarkovsky (dont Steven Soderbergh fera un remake 30 ans plus tard) mais également en France dans le film d’animation de René Laloux Les Maîtres du temps.
Cette introspection est encore plus claire quand il s’agit de faire face à l’autre, l’étranger, « l’alien ». Si l’Enemy se révèle un extra-terrestre avec qui l’on peut fraterniser, souvent il en va autrement, en témoigne la saga Alien. Comme le souligne le slogan publicitaire du premier épisode, « dans l’espace personne ne vous entend crier ». L’affiche nous montre une sorte d’œuf géant d’où s’échappe une lumière jaune, le tout sur un fond noir de l’espace intersidéral. L’univers n’est plus un espace délimité par un horizon ou une frontière. L’homme se trouve confronté au noir, au néant et se retrouve face à lui-même.
Depuis toujours la conquête de l’espace fait rêver et encore plus depuis les premiers pas sur la Lune en 1969. Nouvelles frontières à dépasser, nouveaux mondes à exploiter, espace métaphysique ou quête de l’inconnu, le cinéma n’a cessé de développer ces thématiques dans de grands films mais aussi des séries B souvent réjouissantes. Cette exposition d’affiches vous permettra de mieux appréhender cette « saga des étoiles ».
Que la force soit avec vous !
Jacques Verdier & Laurent Ballester – Institut Jean Vigo
Exposition conçue et réalisée par l’Institut Jean Vigo à partir de ses collections.
Du 19 septembre au 31 octobre 2015 à l’institut Jean Vigo.
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