A l’instar des affiches, certains objets non-filmiques participent à l’univers d’un film et le prolongent en dehors de la salle de cinéma. Souvent produits pour raison commerciale ou publicitaire, ces objets sont des témoins essentiels de l’histoire du cinéma.

317 titres de périodiques sont conservés à l’Institut Jean Vigo. Les fonds sont français et espagnol en majorité mais aussi catalan, italien, allemand et anglais. Dans celles-ci se trouvent donc quelques merveilles de l’écriture critique depuis 1912 et qui ne sont, pour certains, plus publiés.

Nous allons nous intéresser à certains de ces éléments au sein des collections de périodiques espagnols que l’Institut Jean Vigo conserve.

Série en 3 épisodes sur le fonds espagnol :

#1 Les partitions de musique

#2 Les novélisations 

#3 Les revues érotiques

#1

Les Partitions de
musique

La plus ancienne revue que la cinémathèque conserve est un hebdomadaire espagnol, El cine, dont les débuts datent de 1911. Le premier numéro conservé par l’Institut est le n°8, du 24 février 1912 et, jusqu’en 1929, des partitions de musique sont publiées dans ce périodique. Est-ce de la musique pour accompagner des films ? Au vu du titre de la revue, on pourrait avancer cette hypothèse.

Les films muets étaient souvent accompagnés à cette époque d’une musique jouée en live par des musiciens. Art forain à ses débuts, le cinéma était diffusé dans des baraques bruyantes, le public parlant pendant la projection. Il fallait donc maintenir l’attention des spectateurs, certaines fois avec un bonimenteur qui commentait et expliquait l’intrigue du film, le plus souvent avec une musique jouée en direct.

Rarement ces films avaient des partitions originales créées pour eux, tant il était couteux et logistiquement trop complexe pour les musiciens d’apprendre à jouer une nouvelle partition pour chaque séance. Ainsi, les musiques qui accompagnaient les films étaient souvent des variations sur des mélodies préexistantes, des airs connus et populaires.

Pour aider et faciliter le travail des musiciens, des recueils sont préparées à leur destination contenant des mélodies populaires pouvant être adaptées à de nombreux films. Dès 1909, Edison publie hebdomadairement des « Suggestions for music », ces petits recueils étant très populaires aux Etats-Unis dans les années 1910.

El Cine n°8, 1ère année, 24 février 1912 – Editorial sur les actualités théâtrales

El Cine n°8, 1ère année, 24 février 1912 – Editorial sur les actualités théâtrales


La revue El Cine, bien qu’elle soit contemporaine de cette époque, est destinée à un public non professionnel. Les partitions y étant publiées ne sont donc pas des outils de travail pour les exploitants. Si on se penche plus sur elles, on voit qu’il s’agit de chansons puisque les paroles sont écrites en dessous des notes de musique.

El Cine n°8, 1ère année, 24 février 1912 – Partition de musique et paroles de chanson





Le cinéma est né à une époque où la chanson est très populaire : des feuillets sont vendus contenant des partitions avec les paroles d’airs populaires, certaines personnes voulant jouer chez elles les mélodies entendues. Les partitions de la revue El Cine semble donc bien participer de cette mode. Elles ne sont donc pas à destination du cinéma spécifiquement, mais répondent à un intérêt d’un public ouvert aux arts populaires du moment. En effet, pendant les premières années de parution de la revue, celle-ci aborde dans ses pages des actualités liées au théâtre et à la musique, en plus de parler de ce nouvel art qu’est le cinéma.

Pour autant, ces partitions illustrent le contexte culturel à l’époque où le cinématographe se développe. Ce dernier rejoint le terreau des arts à la mode et la revue El Cine dévoile les interrelations entre ces différents arts.


El Cine n° du 19 juin 1930 – Partition de musique de la chanson I could do it for you, issue du film They Had to See Paris de Frank Borzage (1929)




En effet, alors que la publication des partitions de chansons populaires est interrompue en 1929, de nouvelles partitions réapparaissent à partir du numéro datant du 19 juin 1930, mais cette fois-ci, elles sont celles de la musique originale d’un film. Il s’agit de Nuevos ricos caprichosos (They had to See Paris de Frank Borzage, 1929) et la chanson publiée est I could do it for you, chantée par Will Rogers. Il s’agissait alors pour l’acteur de son premier film parlant, médium qui lui permettra de montrer l’étendue de son phrasé acéré, pratiqué dès ses débuts dans le vaudeville.

Ainsi, la revue passe donc de publications de chansons populaires à publications de chansons de films populaires. On comprend donc mieux, en remontant aux origines de la revue, que les musiques originales des films, et les chansons chantées par des acteurs célèbres, soient publiées dans des périodiques. L’intérêt du public pour ces prolongements de l’univers cinématographique en dehors du médium repose sur cette coutume de publication de partitions de musique. Un article du numéro datant du 5 mars 1931 confirme cette assomption : des disques de musiques de film sont proposés à la vente, l’encart indiquant que les spectateurs souhaitent souvent réécouter les musiques de leurs films préférés.

El Cine n° du 5 mars 1931 – page de droite, article « Discos » sur les disques vendus aux lecteurs de la revue





Le cinéma a donc dès ses débuts été promu comme un art populaire et dans l’air du temps, au même titre que d’autres arts « mineurs » comme la chanson. Art audiovisuel, il a su développer son univers cinématographique en dehors de son propre médium grâce aux outils de promotion d’autres arts, ce dont nous venons de voir un premier exemple avec ces partitions de musique.

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