N° 5 ⎜Hiver 1972 ⎜Epuisé, consultable à l’Institut Jean Vigo
Ce numéro 5 des Cahiers de la Cinémathèque inaugure la deuxième année d’existence d’une revue qui s’est fait sa petite place à part ; qui a saisi au vol le mot d’ordre de régionalisation pour s’ériger en Association régie par la loi de 1901 et définir des buts dont on trouvera par ailleurs (avec les extraits des statuts) le cadre exact du développement.
Avec ce même numéro nous ouvrons un COURRIER DES CHERCHEURS mis GRATUITEMENT à la disposition des abonnés, désireux d’entrer en contact par l’intermédiaire de la Revue, avec autres chercheurs qui détiendraient documents ou informations sur tel domaine qui les intéresse ; qui seraient soucieux d’échanger des hypothèses de travail ou de vérifier telle thèse vers une voie nouvelle.
Il faut arracher la critique historique au ghetto de la capitale ; briser le cercle des complicités et du mandarinat qui inféode la recherche aux « petits copains » dont la seule compétence réside trop souvent dans le fait d’être « les seuls à voir », « à pouvoir voir » « ou à avoir vu »…
Il n’importe pas pour autant d’engager une polémique avec Paris : nous y avons nos amis et plus d’un nous a manifesté concrètement son adhésion et sa solidarité ; a fait écho à nos efforts ou salué notre initiative.
L’amateur de cinéma aura toujours besoin des informations que Paris peut mieux récolter puis diffuser, mais l’historien a besoin d’une sérénité et d’un calme qui échappent à la vaine agitation ou au terrorisme des « airs dominants » ; il a surtout besoin de confronter ses conclusions, de les vérifier sans hâte, de définir son matériau sans subir les diktats d’un quelconque Comité de Rédaction.
Nous ne voudrions pas pour autant tomber dans l’aridité du Bulletin pour Société Savante et c’est la raison pour laquelle nous ménagerons toujours à la passion et au lyrisme critiques la part qui revient légitimement au ferment et au levain.
Il nous a ainsi paru sympathique, pour retrouver ce climat des années 30 sans lequel l’œuvre de Carné n’aurait pas la même signification, de publier un texte peu connu de Francis Carco et de redonner la parole à Raymond Bussières.
Pour l’essentiel, ce numéro propose donc de RE-VOIR Marcel CARNE, non point pour une révision ou un bilan, mais bien plutôt pour dégager son œuvre du fatras des idées reçues, des clichés historiques et des conventions critiques.
Revoir CARNE c’est d’abord confronter l’actualité d’un auteur à la première image de lui qu’il a donnée. C’est pourquoi nous publions une synthèse de Raymond BORDE : Marcel CARNE et le Cinéma Social, inédite en France, et publiée en 1957 dans Carré Rouge, à Lausanne, qui nous semble faire idéalement le point avant la nouvelle approche que nous entreprenons, complémentairement.
REVOIR CARNE c’est aussi revoir ses films avec lui ; laisser parler le créateur avec son propre recul face à un public de jeunes étudiants qui découvrent une oeuvre et un homme sans souci de se définir d’abord par rapport à telle ou telle chapelle, simplement disponibles encore au plaisir de VOIR DES FILMS.
Nous n’avons, en livrant ce Dossier à nos lecteurs, nulle mauvaise conscience, nulle précaution oratoire à prendre pour nous…« excuser ».
Personnellement, je persiste à aimer Carné, faisant mienne cette idée de Barthélemy Amengual que « l’on peut ne plus aimer pour les mêmes raisons mais que l’on aime toujours d’une certaine façon ce que l’on a vraiment aimé un jour. »
Il me semble que ceux qui renient ce qu’ils disent avoir aimé, renient surtout et d’abord, une large part d’eux-mêmes, leur meilleure, peut-être…
Marcel OMS.