A-96-Une-histoire-italienneFrancesco PITASSIO & Elena MOSCONI
N°96 ⎜Octobre 2004 ⎜5 €

Publié par l’Institut Jean Vigo avec la contribution du Dipartimento di Musica e Spettacoli de l’Università degli Studi di Bologna

Introduction

Au lendemain de la mort de Sandro Camasio, auteur avec Nino Oxilia de la comédie Addio giovinezza ! la critique saluait en lui le chantre de la “Turin estudiantine” et l’artisan de la renaissance du théâtre national. En 1927, en faisant (sur les pages de “Cinematografo”) la recension du film homonyme de Augusto Genina, Alessandro Blasetti parlait d’«un film de caractère typiquement italien», alors que plus récemment, Claudio Casini reconnaissait dans l’opérette tirée de cette même comédie «le modèle du théâtre léger italien.»
Ces reconnaissances apparemment unanimes, mais qui tour à tour réduisaient l”’italianité” à des aspects différents, tels que la localisation (la ville de Turin avec sa topographie précise), le style (l’opérette “”à l’italienne” issue de la chanson populaire), le contexte de réception (le film italien rêvé par Blasetti), expliquent l’intérêt qui a suscité la recherche sur ce texte et dans une certaine mesure la méthode d’investigation adoptée.
A partir d’une enquête sur des éléments de caractère inter­médial et intertextuel, on a voulu comprendre pour quelle raison, dans un pays comme l’Italie qui n’a jamais connu une industrie culturelle de masse, d’un caractère «national» qui ait une forte cohésion du point de vue du consommateur, une petite comédie comme Addio giovinezza !, écrite par deux jeunes gens pratiquement débutants, a bien pu obtenir un succès aussi large et aussi populaire pendant près de 40 ans, un succès renouvelé et mis au goût du jour par de nombreuses versions théâtrales, musicales et cinématographiques.
La recherche sur les traces de Addio giovinezza ! s’est ainsi révélée riche et féconde, d’une façon inattendue en commençant par l’analyse du texte et par la confrontation systématique entre les éléments stables (isotopies) et les variantes, on a pu faire toute la lumière sur les éléments du contexte, en s’attardant en particulier sur les modèles de mise en scène et sur les cultures de spectacles qui ont orienté la production et la consommation des différentes versions, avec une attention spéciale pour les productions cinématographiques de 1927 et 1940. En les comparant réciproquement, les différentes mises en scènes de Addio giovinezza ! ont permis de donner un coup de projecteur sur la culture cinématographique et même sur la culture nationale dans les moments historiques qui en ont constitué la genèse, les textes, et qui ont orienté les réponses de la critique et du public.
Il peut sembler paradoxal que ce système d’interférences s’appuie sur un texte simplifié à l’extrême et faible dans sa conclusion, précaire dans l’équilibre délicat des caractères, programmatiquement indéterminé dans la dimension tem­porelle, suspendue —comme l’annonce le titre — entre le regret pour une saison qui s’achève et l’angoisse pour l’incertitude de l’âge à venir; mais peut-être est-ce cette indétermination du texte qui le rend particulièrement souple aux sollicitations du contexte, ouvert et toujours prêt à éclairer, comme on le verra, ce qu’on doit entendre par une histoire, un style, un goût Italien…

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