
La présence de l’homme de média dans le cinéma est un phénomène relativement récent. Il apparaît de manière conséquente, essentiellement dans le cinéma anglo-saxon et français, à la fin des années 70 pour «monopoliser» les écrans durant les années 80. En effet après le précurseur Orson Welles et son Citizen Kane en 1941 (et quelques autres exceptions), c’est au milieu des années 70 qu’arrivent sur les écrans Spéciale première de Billy Wilder en 1974, Les hommes du président de Alan Pakula et Network de Sidney Lumet en 1976 et Judith Therpauve de Patrice Chéreau en 1978. Déjà se dessine clairement le portrait ambivalent de l’homme de médias. D’un côté le journaliste intègre, celui qui met à jour les affaires louches et résiste aux groupes de pression; de l’autre côté, la face la moins reluisante de la profession, celle de l’arriviste prêt à tout pour un scoop et manipulateur d’images. Si l’on parle déjà de quatrième pouvoir pendant les années 70, la décennie suivante voit la mondialisation de l’information. Le cinéma des années 80 se fait le témoin de ce bouleversement et les films sur le sujet se multiplient. Le portrait du journaliste d’investigation se nuance quelque peu par rapport aux modèles Redford/Hoffman dans Les Hommes du président. Les années 80 voient arriver sur les écrans un nouveau type de «héros»: le reporter de guerre. 1981, Volker Schlöndorff envoie Bruno Ganz à Beyrouth en pleine guerre civile dans Le Faussaire. 1982, Peter Weir envoie Mel Gibson dans Djakarta au bord de la guerre civile en 1965 dans L’année de tous les dangers. 1983, Roger Spottiswoode parachute Nick Nolte dans une autre guerre civile, au Nicaragua dans Under Fire. 1984, Roland Joffé fait quitter Phnom Penh envahie par les Khmers rouges à Sam Waterston dans La Déchirure. 1985, c’est au Salvador qu’Oliver Stone entraîne James Wood, là encore en pleine guerre civile. D’autres guerres (en particulier en Bosnie) et d’autres films suivront. Si le reporter reste toujours courageux (voire tête brûlée), s’il dénonce le plus souvent l’inconséquence des politiques des gouvernements occidentaux dans ces conflits, son caractère se teinte de cynisme et de fatalisme, marqué par les horreurs qu’il affronte quotidiennement.Si nous quittons les terrains de conflits pour revenir dans les rues de nos cités et dans les couloirs des chaînes de télévisions, le paysage humain est bien différent. On n’y trouve que des arrivistes, des «bidouilleurs» d’infos, des lâches et des crétins qui méprisent leur public. Le portrait des médias que nous renvoie le cinéma n’est pas des plus flatteurs et il ne va cesser de se dégrader au cours des années. On peut par ailleurs noter le bon vieux fonds sexiste d’un certain cinéma qui ne trouve quasiment pas de femmes reporters aux endroits les plus «chauds» de la planète, mais prend plaisir à aligner un nombre impressionnant de directrices ou présentatrices de programmes aux dents longues et au comportement peu scrupuleux. Le cliché de la femme de pouvoir a encore de beaux jours devant lui, même si des actrices aussi talentueuses que Faye Dunaway, Holly Hunter, Katleen Turner ou Nicole Garcia se sont illustrées dans ce domaine.Enfin les années 90 donnent naissance à toute une série de films qui s’interrogent sur un «nouveau» type d’émissions apparues sur le petit écran et que l’on dénomme généralement «réality show» si l’on est poli, ou «télé poubelle» si l’on est plus critique. Le cinéaste Yves Boisset a été visionnaire en la matière puisque dès 1982 dans Le prix du danger il dénonçait une télévision n’hésitant pas à faire appel aux plus bas instincts de l’homme. Certains trouveront ces dénonciations outrancières, mais lorsqu’on écoute Monsieur Patrick Le Lay, ex-PDG de TF1, interrogé parmi d’autres patrons dans un livre déclarer : «Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective ”business”, soyons réalistes : à la base, le métier de TF1, c’est d’aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit (…). Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible (…)», on découvre au grand jour le cynisme et le mépris du public de certains hommes de médias, et non des moindres. On peut se demander également si la réalité n’a pas alors dépassé la fiction cinématographique.Exposition conçue et réalisée par l’Institut Jean Vigo à partir de ses collections. Tarifs et conditions de location : Institut Jean Vigo L’exposition «L’Homme de Médias, du héros au manipulateur» consiste en 24 affiches entoilées. Voici, ci-dessous, les informations sur les films et les affiches représentés : Les hommes du président (All the President’s Men) d’Alan J. Pakula, USA 1976 Dimension: 160×120 Graphiste: non signalé Procédé d’impression: Offset L’Année de tous les dangers (The Year of Living Dangerously) La Déchirure (The Killing Fields) Salvador Under Fire Le Faussaire (Die Fälschung) Reporters Paparazzi Citizen Kane Judith Therpauve Le quatrième pouvoir Le journal (The Paper) Spéciale première (The Front Page) de Billy Wilder, USA 1974 Dimension: 160×120 Graphiste: Basha Procédé d’impression: Offset Scoop (Switching Channels) Network Broadcast News Mad City La rue (Street Smart) Meurtres en direct (Wrong is Right) Le prix du danger Vidéodrome (Videodrome) Quiz Show Reality Show (Louis 19, le roi des ondes) Truman Show |